"Les gens vraiment spirituels sont rares dans le monde. Par contre il y a beaucoup de gens simplement religieux." Swami Tejomayananda
L'Ishta Devata
Le panthéon hindou comprend de nombreuses divinités, représentant différents aspects du créateur et de la création : des dieux symbolisent les cinq éléments,
les huit directions, les processus de création, de conservation et de destruction ; des divinités symbolisent la richesse, la connaissance, la victoire, la fécondité, la prospérité….Parmi elles,
chacun choisit une Ishta-Devata. Ishta signifie
« désirable ou bien-aimé », et Devata veut dire « divinité".
On honore cette divinité bien-aimée et désirée entre toutes, par des rituels, des incantations mentales, des chants et des prières. Il est plus facile au dévot d'adorer une Ishta-dévata, car il peut
envers cette divinité exprimer son amour.
Le dévot identifie à cette divinité de prédilection un objet ou un symbole capable de lui inspirer des sentiments d'adoration. Même un enfant sait que la statue n'est pas Dieu. Pour le dévot,
ces symboles ne sont pas Dieu, mais ils ne sont pas non plus différents de Dieu. En adorant Dieu dans un de ses aspects, le dévot s'efforce de percevoir Dieu dans toutes les formes de la
Création.
L 'adoration d'une Ishta-Dévata rend la dévotion plus spontanée et plus personnelle.
L'esprit, à la fois paisible et alerte, devient capable de saisir l'unité dans la multiplicité.
OM ou PRANAVA
OM est un concept universellement accepté de l'Hindouisme. Littéralement le mot Pranava signifie « Ce par quoi Dieu est effectivement loué ». Il veut aussi
dire « Ce qui est toujours nouveau ». Pranava a été hautement exalté dans les Védas, les Oupanishads et la Geeta ainsi que d'autres écritures. Le Gopatha Brahmana de l'Atharva Véda relate une
histoire selon laquelle le dieu Indra vainquit avec succès les démons avec l'aide de OM.
Le Yajurvéda nous exhorte à essayer de réaliser Brahman en nous répétant et nous rappelant OM . Le Kathopanishad déclare que OM est Parabrahma lui-même. Le Mundakopanishad conseille à l'aspirant
spirituel de méditer sur l'unité de l'Atman (le Soi) avec Brahman (Dieu) en utilisant OM pour le Japa. Sri Krishna affirme dans la Geeta qu'il est OM parmi les mots et que tous les rites
religieux commencent par la répétition de OM. Qui plus est, si une personne réusssit à chanter OM au moment de sa mort, en pensant en même temps à Dieu, elle atteindra la plus haute vérité. Les
Yogasutras de Patanjali déclarent que Pranava est le symbole de Dieu et que l'on peut atteindre le Samadhi en le répétant et en méditant sur lui. Actuellement OM est formé de trois lettres
indépendantes A, U et M chacune ayant sa propre signification et portée. La lettre « A » représente le commencement (Adimatura), « U » représente le développement (Uttarsha) et « M » représente la
limite ou la dissolution (Miti).
C'est pourquoi le mot OM représente ce pouvoir responsable de la création, du développement et de la dissolution de cet univers, c'est-à-dire Dieu lui-même.
GANESHA
Le premier fils du Seigneur Shiva est décrit comme le Chef Suprême (Vinayaka) ou comme le Chef des « Ganas » (Ganapati) qui assiste et suit à tout moment
le Seigneur Shiva, ou encore comme le Seigneur de tous les obstacles (Vighneswara). Ces noms montrent clairement qu'il est le maître de toutes les circonstances et que même les forces divines
ne peuvent Lui faire obstacle dans son chemin. Puisqu'Il est ainsi le Seigneur de tous les Obstacles, on n'entreprend aucun rituel Hindou ni aucune action pieuse sans L'invoquer. La croyance
veut qu'avec Sa Grâce aucune entreprise ne peut échouer à cause d'obstacles subjectifs ou objectifs.
On consdière qu'il a épousé à la fois Lakshmi et Saraswati, les déesses de la Fortune et de la Connaissance (Vidya) et le champion des succès de ce monde (Avidya).
Dans ce portrait Shri Ganapati représente l'homme de Parfaite Sagesse, le Védantin pleinement Réalisé. Les occidentaux sont choqués de constater que les Hindous vénèrent une forme Divine aussi
ridicule et absurde .
Mais avec Sa tête d'éléphant le Seigneur de toutes les Difficultés de la vie est en fait la meilleure représentation divine que n'aient jamais produite nos Ecritures Sacrées. Puisque son «chemin de
la connaissance » est essentiellement intellectuel, l'étudiant védantique doit avoir une grosse tête pour concevoir et comprendre la logique de la pensée védantique. En fait, la vérité du Védanta ne
peut être comprise qu'en écoutant un maître, aussi l'écoute (Sravana) est-elle la première étape que doit manifester le nouvel initié. Sri Ganapati a donc de grandes oreilles, ce qui symbolise
l'écoute continuelle et intelligente du maître.
Après avoir écouté (Sravana) les vérités des Upanishads, l'étudiant Védantique doit réfléchir (Mananam) en toute indépendance sur ce u'il a entendu. Pour cela il a besoin d'une intelligence sensible
doublée d'une vaste compassion afin de trouver en lui-même la ressource d'accommoder toutes les créatures vivantes de cet univers.
Son intellect doit avoir une profondeur et une largeur telles qu'il puisse embrasser dans sa vision le cosmos tout entier, mais de plus il doit posséder le subtil pouvoir du discernement (Vivéka)
afin de distinguer les enveloppes matérielles changeantes et périssables de la Conscience Omniprésente, Eternelle, Immuable, l'Esprit. Une telle discrimination n'est possible que lorsque l'intellect
de l'étudiant a consciemment cultivé cette faculté jusqu'à un bon degré de perfection.
La trompe qui pend du front de l'éléphant est particulièrement efficace. Elle dépasse de loin les plus belles réussites qu'avec son ingéniosité l'homme a réalisé dans le monde mécanique ou
scientifique. C'est un «outil » qui peut à la fois déraciner un arbre ou ramasser une épingle du sol. L'éléphant peut soulever et emporter de lourdes charges avec sa trompe, et en même temps,
celle-ci étant si sensible à son extrémité, il peut l'employer pour arracher un brin d'herbe. Les instruments mécaniques ne peuvent avoir une telle faculté d'adaptation. On ne peut pas utiliser
pour réparer une montre de dame la clé qui est utilisée pour serrer les boulons d'une gigantesque roue. La parfaite faculté de discrimination d'un intellect évolué devrait être comme la trompe de
l'éléphant afin qu'il puisse utiliser pleinement cette discrimination pour résoudre les problèmes grossiers dans le monde extérieur, et qu'en même temps, il l'emploie tout aussi efficacement dans le
domaine plus subtil des différentes couches de sa personnalité intime.
La faculté de discrimination ne fonctionne que lorsqu'il y a deux facteurs différents entre lesquels il convient de discriminer. Ces deux facteurs sont représentés par les défenses de l'éléphant et
la trompe pend entre les deux. Dans la vie nous devons discriminer entre le bien et le mal, et le faux entre toutes les dualités afin d'arriver à nos propres jugements et conclusions. On représente
Shri Vinayaka comme ayant perdu une de ses défenses dans une dispute avec Parasurama, un grand disciple du Seigneur Shiva. Cette défense cassée indique que le véritable étudiant Védantique doté
d'expérience subjective est celui qui est allé au-delà des paires d'opposés (Dwandwatita).
Il a la plus grande bouche et le plus grand appétit. Dans son propre palais, il a guéri Kubéra de la vanité d'être devenu par sa richesse le Trésorier des Cieux. En effet, quand Kubera Lui
offrit le dîner, Il mangea toute la nourriture préparée pour tous les invités. Ensuite il commença à manger les ustensiles puis la décoration et Il n'était toujours pas rassasié. Son
père, le Seigneur Shiva, vint alors Lui donner à manger une poignée de riz soufflé. En la mangeant, il fut repu.
Cette histoire racontée dans les Puranas est révélatrice de ce qu'un Homme de Perfection a un appétit sans fin pour la vie. Il vit dans la Conscience et pour lui toute expérience, bonne ou mauvaise,
n'est qu'un jeu de l'infini mené à travers lui. Seul le Seigneur Shiva, le Maître, peut satisfaire l'appétit de ses étudiants sincères en leur donnant une poignée de riz grillé, c'est-à-dire de
semences brûlées, ce qui signifie que les vasanas ont été détruites dans le Feu de la Connaissance. Quand nos vasanas sont brûlées un enthousiasme démesuré pour les expériences de la vie est
également stimulé.
Un Homme de Perfection doit avoir un gros ventre afin de pouvoir digérer paisiblement toutes les expériences de la vie, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.
Que ce maître de l'esprit soit assis les pieds ballants est également lourd de sens dans le symbolisme des Puranas. En général nous nous déplaçons dans le monde à travers les corridors de nos
expériences sur nos deux pieds, l'esprit et l'intellect , qui forment le corps subtil. L'Homme de Parfaite Sagesse les a tous les deux intégrés de telle sorte qu'en Lui ils ne sont plus qu'un. Un
intellect unique dans lequel l'esprit s'est recroquevillé totalement.
Aux pieds de ce grand Yogi est déposé la manne sans fin de la signification de la vie, les gloires expérimentables de l'existence physique. Toutes les puissances viennent Le servir, l'univers tout
entier des forces cosmiques n'est constitué par conséquent que de Ses serviteurs dociles, qui prennent refuge à Ses pieds. Le monde entier et son environnement attendent à Ses pieds Ses ordres et Son
bon vouloir.
Dans la représentation de Sri Vinayaka il y a toujours une souris assise au milieu de toute cette nourriture appétissante, odorante et toute préparée. Mais à y voir de plus près on s'aperçoit que la
pauvre souris est assise, le regard levé vers le Seigneur, tremblant d'avance, mais se gardant bien de ne rien toucher sans Son autorisation.. Et de temps en temps Il permet à la souris de
manger.
Une souris est un tout petit animal avec de minuscules dents et pourtant, dans une grange de grains, une seule souris peut provoquer des pertes désastreuses en rongeant et grignotant continuellement
le grain. Il y a aussi en chacun de nous une « souris » qui peut dévorer toute une montagne de mérites, et cette souris est la puissance du désir. L'Homme de Perfection est celui qui a si bien
maîtrisé ce besoin d'acquérir, de posséder et de jouïr, c'est-à-dire ce pouvoir auto-destructif du désir, que celui-ci est totalement soumis à la volonté du Maître. Et pourtant lorsque le
Maître veut jouer Son rôle et bénir le monde, Il monte sur la souris – ce qui signifie que c'est le désir de servir le monde qui devient Son véhicule pour se déplacer et agir.
Les Puranas racontent qu'une fois Shri Vighneswara, tandis qu'Il chevauchait Sa souris, fut jeté à terre et c'était si ridicule que la lune rit du comique de la scène. On dit dans les Puranas que le
Seigneur Vinayaka au gros ventre regarda la lune et jura que personne ne verrait jamais plus la lune ce jour-là, qui est le jour de Vinayaka Chathurthi.
Quand un Homme de Perfection (Vinayaka) se déplace dans le monde , monté sur Son Véhicule d'aspect insignifiant, le « désir » de servir (la souris), les intellects grossiers du monde (la lune, la
Divinité qui préside à l'Intellect) seraient tentés de rire de tels prophètes ou visionnaires.
Le Seigneur des Obstacles, Shri Vighneswara, a quatre bras qui représentent les équipements internes (Antakarana). Dans une main, il tient une corde, dans une autre une hache. Avec la
hache, Il coupe les attachements de ses dévots envers le monde de la pluralité, mettant ainsi fin à tous les chagrins qui en découlent. Avec la corde, Il les tire de plus en plus près vers la Vérité,
et finalement les lie au But Ultime. Dans Sa troisième main il tient une boulette de riz (Modaka) qu'Il donne à Ses dévots en récompense des joies du Sadhana. De l'autre main Il bénit tous ses dévots
et les protège contre tous les obstacles sur leur chemin spirituel en quête du Suprême.
Dans le pèlerinage spirituel, tous les obstacles sont créés par les propres mondes subjectif et objectif du chercheur lui-même ; ses attachements envers le monde des objets, des émotions et des
pensées sont ses seuls obstacles. Shri Vighneswara les tranche à la hache et maintient l'attention du chercheur constamment tournée vers le Très-Haut à l'aide de la Corde qu'Il tient dans Sa main
gauche. En cours de route Il nourrit le chercheur de Modaka (la joie éprouvée par le chercheur de Vérité quand il progresse) et le gratifie continuellement de nouveaux progrès, jusqu'à ce qu'à la
fin, l'Homme de Perfection devienne Lui-même le Seigneur ees Obstacles. Shri Vighneswara.
Les quelques exemples déjà étudiés montrent clairement la méthode qu'utilise Vyasa quand il dépeint le monde mystique. Toute personne réfléchie peut voir que de toute évidence ce ne sont pas autant
de différentes divinités qui sont représentées par les différents symboles, mais qu'elles sont plutôt autant de portraits écrits très frappants de la Vérité subjective décrite dans la tradition
Upanishadique. L' étudiant doit avoir la sensibilité subtile du poète, l'intellect impitoyable du scientifique et le tendre cœur de l'amant pour pouvoir pénétrer dans le royaume enchanté du
mysticisme qu'a créé Vyasa, le poète visionnaire. Tout ceci peut paraître ridicule pour un intellect frustre et de compréhension grossière mais l'art ne peut être pleinement apprécié que par des
cœurs qui possèdent déjà l'art en eux. Même en n'ayant qu'une connaissance superficielle du Védanta, lorsqu'on relit les Puranas on ne peut être que frappé du fait qu'elles résonnent partout de
l'écho des clameurs de la mélodie Upanishadique.